MondialNews.com : Glenn Martens : “On ne peut plus faire de la mode comme dans les années 2000, il faut un message”
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Glenn Martens : “On ne peut plus faire de la mode comme dans les années 2000, il faut un message”



Une collection haute couture surréaliste pour Jean-Paul Gaultier, du prêt-à-porter avant-gardiste pour Y/Project et une large palette de look années 2000 pour Diesel : en 2022, le designer Glenn Martens, 38 ans, s’est doté du don d’ubiquité et enchaîne les succès.

Décrit comme la relève de la mode belge par Business of Fashion, il articule mainstream et underground ou encore couture et streetwear sans perdre le fil. À la tête de Y/Project depuis huit ans, il acceptait fin 2020 de reprendre Diesel, la marque aux jeans déchirés et aux publicités sexpositives provocantes. Véritable marathonien, il nous raconte son année et partage sa perception de l’industrie de la mode et ses devoirs, dans un climat social marqué par la montée de dynamiques conservatrices.

Du 13 au 16 octobre se tenait le Festival International de mode, de photographie et d’accessoires d’Hyères, dont tu étais le président. À cette occasion, trois structures gonflables sexpositives représentant des jeunes dans des positions suggestives, vêtu·es de jeans Diesel, ont été installées dans la ville, notamment sur le toit de la villa Noailles. Dans la nuit du 15 octobre, elles ont été vandalisées, lardées de coups de couteau par la population locale. Je ne sais pas si tu désires évoquer cet épisode ?

Si, il faut vraiment en parler, c’est important. Ces poupées gonflables, qu’on avait installées à Hyères, me suivent depuis le premier show physique de Diesel en février 2022. Elles font partie intégrante de la mise en place de l’identité visuelle qui accompagne le rebranding que j’ai entamé à mon arrivée en 2020. Elles sont non genrées et sexpositives. Elles racontent qui nous sommes, mais aussi comment nous souhaitons continuer à nous développer en tant que marque à portée globale.

“Pour moi, il est indispensable de représenter une société inclusive où tout est possible.”

Pour moi, il est indispensable, quand tu disposes d’une telle plate-forme, de représenter la société dans laquelle tu crois : une société inclusive où tout est possible dans la mesure où tu respectes les autres et que tu ne blesses personne. C’est ça, le message derrière ces poupées : il faut vivre sa meilleure vie. Après tout, c’est le slogan Diesel : “For successful living”.

Elles étaient donc présentes à Hyères car c’était logique : ce festival fondé par Jean-Pierre Blanc est une plateforme basée sur le don. Donner une place aux jeunes pour s’exprimer et donner l’occasion à l’industrie de découvrir de nouvelles choses. Il est rare de donner dans une industrie capitaliste… Quoi qu’il en soit, ces poupées ont dérangé la population locale – en particulier le garçon noir en string, qui n’a pas plus au Sud de la France.

Ce qui est hallucinant, c’est qu’elles ont voyagé dans le monde entier, en Japon, en Corée, en Chine, dans de nombreux pays d’Amérique, et le seul endroit où elles ont été vandalisées, c’est dans le pays où j’habite, c’est en France, le pays des Lumières. C’était hyper décevant. Cela m’a beaucoup touché.

Lors du défilé Diesel fin septembre à Milan, tu n’as pas eu de soucis avec ces poupées géantes, malgré la victoire de Giorgia Meloni, représentante de l’extrême droite, quelques jours auparavant.

Non, juste chez Voltaire, qui doit se retourner dans sa tombe ! Mais cela indique une chose : nous devons continuer. Nous devons parler de choses qui bousculent et ouvrir petit à petit les esprits…

“Chez Diesel, le message est à la fois environnemental et social : 40 % du denim que nous utilisons est bio.”

En tout cas, cela démontre la force politique des représentations proposées par l’industrie de la mode. Est-ce que le fait de véhiculer des messages politiques est ce qui te semble important dans la mode aujourd’hui ? Le luxe, contrairement aux images, n’est accessible qu’à une petite partie de la population.

Avec Y/Project, je parle à une niche, mais avec Diesel, je peux atteindre une large diversité de personnes : mon frère pompier en Belgique, ma mère infirmière. Le directeur artistique est donc dans l’obligation de construire un message sur la société et d’utiliser la marque pour donner une perspective sur le monde qui l’entoure. Chez Diesel, le message est à la fois environnemental et social. L’axe sexpositif, par exemple, s’est matérialisé à travers l’organisation d’expositions pour la fondation Tom of Finland à la Biennale de Venise puis à Paris. Quant à l’environnement, environ 40 % du denim que nous utilisons est biologique.

Après, je ne suis pas dupe. Je sais très bien que ce qui est important pour les gens, quand ils achètent un vêtement, c’est de pouvoir travailler, de vivre leur vie avec – et c’est très bien ! Maintenant, qu’ils souhaitent le percevoir ou non, il y a un message de soutien derrière. Mais je ne l’impose pas.

Ma mère a divorcé, avec deux enfants à élever. Infirmière pendant la semaine, femme de ménage pendant le week-end, elle n’en avait rien à faire de recycler, parce que ses priorités étaient son travail et pouvoir nourrir ses enfants. Ce récit représente une grande partie de la société qui n’est pas aussi privilégiée que nous ou que les gens à qui l’on donne le pouvoir de s’exprimer librement.

Ce serait violent de leur imposer un message, mais j’espère contribuer à éveiller petit à petit les consciences. De toute façon, en 2022, on ne peut plus faire de la mode comme dans les années 2000, créer des robes et des montagnes d’accessoires sans message derrière. Il faut un message.

“Y/Project, c’est un rêve. Diesel, c’est la réalité.“

La mode participe à une forme de révolution lente. En acceptant de rejoindre Diesel, tu as choisi une marque avec une audience large, comme tu l’expliques. C’est ce qui t’a convaincu ?

Oui, pour être totalement honnête, c’est ce qui a été décisif ! On me connaît chez Y/Project comme un créateur conceptuel bousculant et repoussant les normes. Mais au final, je ne crée pas des vêtements pouvant être portés facilement. Y/Project, c’est un rêve. Diesel, c’est la réalité.

Pendant le Covid-19, tout le monde était malade et se posait des questions existentielles sur le sens de la vie, persuadé qu’on allait tous mourir ! J’ai moi aussi commencé à faire un examen de conscience. Une chose m’est apparue très clairement : je suis très content de faire ce que je fais avec Y/Project, mais est-ce que cela résume ma vie ? Dois-je aller dans une grande maison de luxe, qui me proposera finalement un exercice similaire dont seuls les chiffres différeront ? Quel en serait l’intérêt ? Cela sonnait faux…

Renzo Rosso [fondateur et propriétaire de Diesel et du groupe de luxe OBCM, ndlr.] me faisait la cour depuis quatre ans en me titillant avec Diesel. Je me suis dit que c’était le moment : la marque est tellement démocratique et permet de parler à beaucoup plus de personnes. Je savais que le pendant créatif serait aussi présent. J’ai donc fini par le laisser séduire. Quand je mourrai dans quarante ans, j’aurai peut-être aidé à changer un peu le monde. J’aurai fait partie de cette histoire-là.

En parlant de la dimension démocratique de la mode, le vêtement iconique de Diesel est le jean, une pièce dotée d’une riche et vaste histoire, un emblème populaire.

Oui, tout le monde a un jean, et Diesel est un laboratoire créatif autour de cet intemporel. On bosse sur la matière, sur son traitement. Renzo était le premier, dans les années 1980, à commercialiser les jeans déchirés : cela n’existait pas avant lui. Il raconte inlassablement cette anecdote : 300 pantalons déchirés avaient été livrés à des clients au Japon qui avaient demandé un retour, persuadés qu’il y avait un problème de production !

Tes collections pour la marque reflètent une esthétique très années 2000, devenue la tendance Y2K dont tu es crédité comme le chef de file. Qu’est-ce que cela te fait ?

(Rires.) Je ne regarde pas les tendances, mais une chose est sûre : tout créateur intelligent, quand il arrive à la tête d’une marque, doit examiner son ADN et comprendre ce qui a contribué à son succès. Diesel, c’est 100 % Y2K. Ce n’était ni forcé, ni calculé. Cette esthétique, c’est la marque. Les années 2000 ont représenté un moment d’explosion dans son histoire.

C’est donc un immense cadeau et je me balade dans les archives : je trouve des t-shirts incroyables avec des détails et des logos fous. J’appelle les équipes en leur brandissant des pièces, émerveillé. Eux, ils en avaient tellement marre de voir ces archives depuis des années qu’ils ne les regardait plus. Moi, je viens de l’extérieur et tout me semble génial. Ça marche bien !

“Diesel a normalisé beaucoup d’images taboues, le fait de parler de chirurgie esthétique, les couples de même sexe…”

En plus des archives vestimentaires, il y a les archives médiatiques. Tu racontais dans une interview à The Face avoir été marqué par une publicité Diesel de 1994 photographiée par David LaChapelle et représentant des marins qui s’embrassent.

Je n’avais jamais vu ça. J’avais 16 ans et je n’avais jamais vu des hommes se rouler une pelle sur une affiche. Cela m’a aidé à m’accepter et cela a sans doute aidé d’autres personnes. Diesel a normalisé beaucoup d’images taboues, le fait de parler de chirurgie esthétique, les couples de même sexe… Mais à Hyères, il semblerait que cela soit encore tabou. Il reste sans cesse du chemin à parcourir. Il ne faut jamais croire que les choses sont acquises.

Quelles sont les autres scènes culturelles ayant participé à te libérer ? Je pense aux scènes musicales, en particulier les raves dont les références infusent ton travail depuis le début.

La fête ! Évidemment, c’est un éthos de vie. C’est d’ailleurs une part importante de l’ADN de Diesel, qui organisait des fêtes légendaires dans les années 2000. Je me souviens d’une soirée à Anvers quand j’étais étudiant : c’était le truc à ne pas manquer.

Là, on relance la formule avec une collaboration de trois ans avec la radio londonienne NTS, dans le cadre d’un projet intitulé “Tracks: the Song of the City”. On a sélectionné plus de 100 collectifs de musique underground dans des villes du monde entier : Paris, Londres bien sûr, mais aussi Le Caire, Hô Chi Minh-Ville, Séoul ou New Delhi.

Les playlists seront disponibles en ligne pour découvrir chez soi ce qui se passe dans l’underground un peu partout dans le monde. C’est un moyen de se connecter et d’appréhender différentes cultures de la teuf, qui s’articuleront à une rave organisée tous les six mois. La prochaine a lieu à Londres, avec 17 heures de loving, having fun and connecting people. Pas de bullshit – je suis vraiment connecté aux raves personnellement.

“Les raves sont des moments précieux, organiques ou tu t’imprègnes de tout.”

Oui, c’était la raison de ma question ! Est-ce que tu vas aller observer ce qui se passe dans ces raves ?

(Rires.) Sans doute ! J’ai fait une rave de 15 heures au Berghain en avril. Un record, alors que je pensais que j’avais passé l’âge ! Mais j’y vais vraiment pour me défouler. Je travaille beaucoup et je voyage sans cesse… Alors une petite escale à Londres pour faire la fête, ça pourrait redonner un coup de boost. Je ne sais pas si je resterai 17 heures, mais qui sait. Quand la musique est bonne, quand tu peux appuyer sur le bouton off et te laisser porter… J’ai besoin de ça et de me défouler. Ce sont des moments précieux, organiques ou tu t’imprègnes de tout. Les origines, les genres, d’où tu viens : cela n’a plus d’importance.

Justement, si l’on parle d’inclusivité, comment perçois-tu son évolution depuis tes débuts dans l’industrie parisienne ?

J’ai appris qu’avec Y/Project, on avait été les premiers à Paris à faire défiler autant de mannequins originaires d’Afrique du Nord. Rien n’était calculé, c’était naturel car j’ai toujours travaillé avec des gens pour qui cela l’était aussi. Avec Diesel, je pousse encore plus loin. Cela fait partie de notre langage.

Et ce qui devient un vrai challenge, c’est que nous avons à parler cette langue avec une large clientèle, notamment dans des pays marqués par des politiques anti-gay. Quand tu débarques avec des dessins de Tom of Finland, cela fait de grosses bombes. Ce n’est pas le même risque que de l’exposer à Paris. Mais c’est ça le but !

Comment te sens-tu aujourd’hui à la tête de ces différents projets ?

Je suis très content là où je suis. J’adore Y/Project et Diesel. Je ne pensais pas que cela exploserait autant. C’est une vibe cool et positive avec de bons messages. Peut-être qu’un peu de vacances ne seraient pas de refus… Je n’ai jamais été dans une grosse structure avant Diesel. J’ai donc dû apprendre rapidement à me responsabiliser, car 900 personnes travaillent au QG et environ 5 000 au total dans l’entreprise.

“C’est énormément de responsabilités, parce que si une boutique ferme, c’est peut-être 50 familles qui n’auront plus d’argent.”

C’est énormément de responsabilités, alors je travaille nuit et jour, parce que si une boutique ferme, c’est peut-être 50 familles qui n’auront plus d’argent. C’est extrêmement dur. J’ai passé de nombreuses nuits blanches et eu de sacrées migraines. Par exemple, on a changé les logos, et on ne peut pas prédire l’impact d’une telle décision. Mais il faut tenter… Que de migraines ! (Rires.)

Ces dernières années, ton nom a fait les gros titres dans la mode. Tu es le designer “le plus en vue du moment”. Comment gères-tu cette renommée ?

Ce qui est cool, c’est que j’ai deux marques alternatives au système qui n’ont pas de réels concurrents. Chez Y/Project, on est tellement dans une niche que personne ne me calcule, donc je suis très proches de plein de designers. Je fais des choses trop différentes pour qu’il y ait du stress et des courses à la hype. Je suis dans mon monde.

Avec Diesel, c’est la même chose. On se positionne différemment, donc je ne me sens pas crazy designer, je n’ai pas de complexe d’ego. C’est un honneur que les gens aiment ce que je fais – enfin plutôt ce qu’on fait, car nous sommes dans les deux cas des équipes. À part ça : je suis très content de faire ma fête à Londres, de préparer mon Noël en Écosse. Ce soir, je mange en terrasse. Et je serai content.



Source link : https://www.lesinrocks.com/ou-est-le-cool/glenn-martens-on-ne-peut-plus-faire-de-la-mode-comme-dans-les-annees-2000-il-faut-un-message-510381-23-02-2023/

Author : Manon Renault

Publish date : 2023-02-23 16:09:51

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