MondialNews.com : Raphaël Llorca : “Marine Le Pen parle comme Leclerc ou Auchan, et c’est habile”
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Raphaël Llorca : “Marine Le Pen parle comme Leclerc ou Auchan, et c’est habile”

Raphaël Llorca : "Marine Le Pen parle comme Leclerc ou Auchan, et c’est habile"




Il observe les tendances de fond derrière les réclames. Raphaël Llorca fait partie de ces intellectuels qui, à la manière de Jérôme Fourquet ou de Jean-Laurent Cassely, puisent leur inspiration dans le quotidien des Français, pour y percevoir là où, derrière l’apparente banalité, se nichent des mouvements de société profonds. Jeudi 14 septembre, il publie Le Roman national des marques. Le nouvel imaginaire français*, un essai intuitif et très documenté sur l’OPA inattendue du monde publicitaire sur le discours politique.Sa thèse ? Les marques parviennent aujourd’hui à incarner tout ce que les politiques semblent incapables de faire : parler au plus grand nombre, célébrer le quotidien des Français, produire un discours réellement rassembleur. Certaines enseignes vont même plus loin en proposant désormais leur propre vision du récit national. La réflexion de Raphaël Llorca, nourrie de multiples exemples et d’une étude menée avec l’Ifop et la Fondation Jean-Jaurès (dont vient de prendre la codirection de son nouvel observatoire, “marques, imaginaires de la consommation et politique”), est convaincante.L’Express : Pourquoi consacrer un livre à ce que disent les marques de la France ?Raphaël Llorca : J’ai pris conscience progressivement que les marques ne participent pas qu’à la société de consommation depuis cinquante ans. Elles façonnent nos imaginaires politiques, avec une forme d’innovation dans leur discours. Au fond, depuis les camemberts Président ou les publicités de Jacques Séguéla, il y a toujours eu la France en filigrane dans le discours des marques. Aujourd’hui, cela ne relève plus seulement du décor ou de l’arrière-fond. La France est parfois devenue le personnage principal de leur discours.On apprend que les marques racontent mieux la France que les politiques aux yeux des classes populaires. Comment expliquer ce constat vertigineux ?Oui, c’est un des enseignements de l’étude que nous avons menée avec l’Ifop et la Fondation Jean-Jaurès. D’abord, le premier enseignement, c’est que, quand on demande aux gens qui racontent la France aujourd’hui, et qu’on propose 10 catégories, ils choisissent la 11ᵉ, qu’on a ajoutée au dernier moment : personne. Donc, le premier constat, c’est celui d’un vide béant. Et la nature ayant horreur du vide, de nouveaux acteurs se sont engouffrés. On remarque l’émergence de la figure des humoristes, quand bien même l’humour satirique, qui vient corriger les grands travers de la société, a quasiment disparu. On parle beaucoup plus de travers personnels, avec des figures comme Blanche Gardin ou Florence Foresti. Et l’autre enseignement, c’est que les marques ont compris qu’il y avait un vide laissé par les politiques, et elles se sont approprié ce vide. Elles ont développé leur propre récit national.Mais comment expliquer que là où le politique est inaudible, les marques sont écoutées ?La première raison, c’est que les politiques parlent une langue morte, avec le mot “France” répété à tout bout de champ, avec des acronymes. Paradoxalement, le langage de la publicité fait beaucoup plus vrai. Et, de la même façon, les publicités parlent beaucoup mieux du quotidien des Français. La publicité “Hexagonal” [NDLR : pour la SNCF] pourrait être l’adaptation contemporaine d’un livre d’Ernest Lavisse sur la vie des Français. L’utilisation du slam, dans cette campagne, avec Gaël Faye, ou dans la publicité Nike, avec Oxmo Puccino, c’est intéressant. On sort des images mortes, on met de la créativité, mais en partant des imaginaires du quotidien. On n’hésite pas à parler du kebab, pendant que les politiques en restent à une vision de la France mythifiée, romancée.Vous comparez d’ailleurs les marques d’aujourd’hui et les romans-feuilletons du XIXᵉ siècle.Oui, je vois de vraies similitudes entre ces deux genres, la publicité et la littérature des faubourgs au XIXᵉ siècle. Ce n’était pas un genre perçu comme prestigieux, mais il réunissait le grand public, car il parlait du quotidien des gens. Je pense à Ces dames aux chapeaux verts ou à La Petite Fille aux allumettes. J’aime l’idée que les marques jouent ce rôle aujourd’hui.Les marques ne sont-elles pas aussi perçues comme plus fiables ? Quand vous regardez la publicité d’un hamburger, puis que vous l’achetez, vous avez le sentiment d’une promesse tenue. Avec la politique, c’est plus compliqué.Oui, et d’ailleurs, ce décalage entre l’efficacité des marques et l’inefficacité du politique est renforcé quand Michel-Edouard Leclerc dit : “J’appuie sur un bouton et 1 000 produits sont à prix bloqué.” Le politique peut-il faire ça si facilement ? Non. Mais c’est pour ça que je dis aussi que les marques mènent une concurrence déloyale à l’encontre du politique. Elle peut être dangereuse, quand elle sape les piliers de la démocratie. Les marquent viennent faire oublier l’importance de la délibération collective, du Parlement, du temps long. Seule compte l’efficacité. Derrière ce constat, il peut y avoir un attrait pour un modèle autoritaire. Mais ce n’est pas de la faute des marques, c’est au politique de se saisir du récit national. Autrement, on deviendra une société où, comme le soulignait François Sureau dans [Sans la liberté,] son “tract” pour Gallimard, on mobilisera la valeur de liberté mais surtout pour vendre des voitures.Quid de Marine Le Pen, dont l’électorat recoupe en partie cette catégorie de Français davantage séduits par le récit des marques que par le récit politique ?J’ai constaté que Marine Le Pen avait compris qu’elle devait parler la langue de la consommation. Je m’en suis aperçu quand elle s’est posée en candidate du pouvoir d’achat, en 2022. Elle l’a fait en expliquant qu’elle allait supprimer la TVA sur un “panier de 100 produits de première nécessité”. Ça, c’est du Leclerc dans le texte, ou du Auchan, du Carrefour. Et c’est habile. Car elle parle la langue à laquelle sont confrontés des millions de Français tous les jours. Cela permet de s’adresser à des pans de la population qui ont peut-être décroché du politique. L’autre élément, c’est que ça nourrit une stratégie de dédiabolisation. Difficile de s’opposer à ce type de microrécits. Je cite d’ailleurs ce concept que j’ai puisé chez Alexis Ragougneau, un auteur de science-fiction : le “national-consumérisme”. C’est l’idée qu’on pourrait tout à fait vivre dans une société autoritaire dans laquelle les libertés seraient restreintes, pourvu que la liberté de consommer soit préservée.Mais je veux dire aussi que Marine Le Pen n’est pas la seule à avoir compris l’importance des codes de la consommation. Pendant les élections municipales de 2020, le candidat à la mairie de Montpellier Michaël Delafosse a mené sa campagne dans les supermarchés. Il expliquait être passé des marchés aux supermarchés. Il a gagné. François Ruffin, de la même façon, quand il lance sa campagne en vue des élections législatives, il fait un karaoké avec les humoristes Shirley et Dino devant un supermarché. C’est passionnant, car il y a un logiciel de la consommation à repenser à gauche, où elle a longtemps été synonyme uniquement d’aliénation, selon la vision marxiste.En définitive, faut-il s’inquiéter ou se féliciter de l’émergence des marques comme actrices politiques ?L’impuissance des politiques à raconter la France est inquiétante. En cela, la place prise par les marques peut être dangereuse. Mais j’observe aussi dans le discours actuel des marques quelque chose de profondément positif : alors que les marques ont eu tendance, dans les années 1990, à toujours davantage segmenter leur discours, elles observent une appétence grandissante pour un discours rassembleur, qui parle à l’ensemble du pays. A rebours de l’idée d’archipel ou de fracture définitive d’un pays en des centaines de petits morceaux. Reste à s’en saisir.* Le Roman national des marques. Le nouvel imaginaire français (Ed. de l’aube, 380 p., 24,90 €).



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Author : Etienne Girard

Publish date : 2023-09-14 10:30:00

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Tags : L’Express

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