MondialNews.com : René Girard : le retour d’Idéfix
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René Girard : le retour d’Idéfix

René Girard : le retour d’Idéfix




Si le sourcil broussailleux vous regardait de haut, l’œil avait un fond de tristesse. Celle de ne pas réussir à vous convaincre d’une évidence pourtant cruciale : les sociétés humaines sont bâties sur un meurtre – celui du bouc émissaire –, qui seul nous protège d’une violence plus grande à laquelle est vouée l’humanité. Car au commencement est le désir d’imiter d’autrui, source de tous les conflits. Cette vérité, l’universitaire René Girard (1923-2015) a cru la retrouver dans les récits des ethnologues et les grands textes de notre culture, de Sophocle aux Evangiles, faisant de l’extrapolation un style.Comme le rappelle la vaste biographie que lui consacre Benoît Chantre, son éditeur et ami, l’aplomb de Girard a très tôt agacé, dès son coup d’essai Mensonge romantique et vérité romanesque (1961). La souplesse venant rarement avec l’âge, Girard vit des confirmations de sa théorie dans tout ce qu’il lisait (sauf peut-être dans les livres de cuisine de Ginette Mathiot), assumant au soir de sa vie des thèses apocalyptiques aux accents néoconservateurs et fondamentalistes : le Christ ou le chaos. Comme tous les antimodernes, il préférait les péchés du passé à notre gabegie actuelle : certes, le bouc émissaire n’avait pas de bol (que cela tombât sur lui), mais au moins limitait-il la casse – contrairement à notre civilisation woke qui excite l’envie.”Pourquoi les girardiens existent ?”Au terme de cette odyssée de 1 000 pages, ce n’est pas tant l’œuvre de Girard qui fascine que l’improbable trajectoire de son auteur : chartiste de formation, sans aucun titre de gloire local (ni agrégé, ni normalien, ni docteur d’Etat), l’Avignonnais trouva gîte et couvert dans de prestigieuses universités américaines : Johns Hopkins, Buffalo, Stanford. Girard, c’est une météorite dans notre ciel intellectuel, un cas pour la sociologie des sciences. A son nom pourraient être associés ceux de trublions qui, comme lui, bénéficièrent du ticket américain : Michel de Certeau, Jacques Derrida, Michel Serres ou Bruno Latour – alors qu’ils étaient à la peine en France. Leur éloignement fit leur légende qui alimenta une autocritique de bon ton – comme si on avait cédé Exxelia. “Plus célèbres là-bas que chez nous” : ce mythe eut la vie dure, alors que lesdits transfuges eurent chez l’Oncle Sam des carrières assez banales, voire confidentielles à l’échelle du pays. Girard n’y échappe pas : même si la théorie mimétique flotte au-dessus de la Silicon Valley comme un air du temps, son œuvre reste peu lue à Palo Alto. Il y a quelques années, son cadet à Stanford, le sémillant professeur Joshua Landy, s’était fendu d’un article cruel : “Pourquoi les girardiens existent ?” Les raisons du succès selon lui : “Une théorie de tout, pour pas cher.”Les contradictions et les contingences du phénomène Girard auraient fait un beau sujet de livre. Benoît Chantre préfère sagement nous raconter le bonhomme par le menu : enfance, apprentissage, gloire – l’excès de détails masquant parfois la minceur des événements. C’est peu dire que cette vie ne fut pas trépidante : pas de sit-in, pas de descente dans la rue avec porte-voix, pas de turpitudes morales. L’homme avait le sommeil facile, surtout en public. Le raconter revient à raconter ses livres et leur réception, qui révèle avant tout la fabrique du succès sous l’enseigne Grasset et Bernard Pivot. Revenu en grâce à Paris, Girard put accéder au statut très prisé de prophète incompris : Frédéric Taddeï et l’Académie française lui étaient tout destinés. Ils attendaient Bergotte, c’est le marquis de Norpois qui se pointa.Par son honnêteté et sa méticulosité, la biographie de Chantre impressionne, mais sans convaincre, faute de réussir à faire un véritable inventaire Girard. L’homme eut du panache, bouscula les disciplines et les habitudes académiques. Mais trop sûr de lui, il fut renvoyé par ses pairs à sa solitude essentielle. Son best-seller de 1978, modestement intitulé Des choses cachées depuis la création du monde, fut présenté à l’époque comme un dialogue avec Jean-Michel Oughourlian et Guy Lefort – des seconds couteaux. Les seules choses cachées étaient en fait le processus de rédaction, que révèle Chantre : la forme dialoguée était fictive. Girard faisait les questions et les réponses. Comme il fit toute sa vie.René Girard. Biographie, par Benoît Chantre. Grasset, 1 184 p., 35 €.



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Publish date : 2023-09-14 11:00:00

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