Elon Musk n’est pas le premier patron star issu du secteur de la tech. Mais il est le premier à communiquer aussi souvent et directement sur Internet. Annonces business, commentaires acerbes, mèmes rigolos… Il envoie chaque jour quantité de tweets, des plus sérieux aux plus prosaïques, et fait tant de bruit qu’on sait finalement peu de choses sur lui. Le livre enquête Elon Musk d’Emmanuel Botta et Béatrice Mathieu, grand reporter à L’Express, dévoilait en 2022 les projets et les méthodes de l’intéressé, son histoire et les personnes qui l’entourent. Cette année, c’est la biographie Elon Musk de Walter Isaacson (éditions Fayard) qui nous plonge dans la galaxie muskienne après deux ans passés aux côtés du milliardaire. Voici les cinq passages que nous en avons retenus.1. Elon et l’espèce humaineManagement glacial, phrases assassines… Les enquêtes sur Musk font souvent ressortir ce travers : le patron atteint du syndrome d’Asperger fait preuve de peu d’empathie à l’égard de son entourage. Le livre de Walter Isaacson souligne néanmoins la fascination viscérale qu’Elon Musk éprouve pour les capacités de l’être humain. Dans son chapitre consacré à la période noire traversée par Tesla en 2018, l’auteur montre comment Elon Musk ordonne avec jubilation à ses équipes de repérer et démonter une partie des robots industriels du site, lorsqu’il comprend que certains travaillent moins vite que des humains. “L’automatisation excessive de Tesla était une erreur […] On sous-estime les humains”, déclarera-t-il publiquement à ce sujet.La fascination de Musk pour l’humain oriente souvent ses choix technologiques. Si ces deux dernières années, il a remis la robotique sur le devant de la scène, avec son projet Optimus, il s’obstine à vouloir créer des machines de formes humanoïdes, alors même que ce design est loin d’avoir prouvé sa plus-value. On retrouve le même entêtement dans le chapitre consacré au lancement de l’Autopilot, lorsque Walter Isaacson explique pourquoi le patron de Tesla est si réticent à s’appuyer sur le lidar, un capteur laser rotatif, pour rendre autonomes ses voitures. “C’est [pour lui] une question de principes premiers : les humains ne conduisent qu’en utilisant des données visuelles, par conséquent les machines devraient en être capables”.2. Ses craintes sur l’intelligence artificielleLa fascination de Musk pour les facultés humaines est essentielle dans sa trajectoire : c’est elle qui modèle sa vision de l’intelligence artificielle (IA). L’inquiétude du milliardaire à l’égard de l’IA frise parfois l’irrationnel. Le livre montre toutefois qu’elle n’est pas feinte et a fortement motivé sa participation au projet OpenAI à ses débuts. Isaacson décrit ainsi les débats musclés en 2013 entre Musk et Larry Page, le cofondateur de Google, qu’il connaît bien.”Musk soutient que, si nous ne nous dotons pas de protections, des systèmes d’intelligence artificielle risquent de remplacer les humains, de réduire l’espèce humaine à l’insignifiance ou même de précipiter son extinction. Page riposte. En quoi cela importe-t-il, lui demande-t-il, si les machines surpassent un jour les humains en intelligence, et même en degré de conscience ? Ce serait simplement l’étape suivante de l’évolution. La conscience humaine, lui rétorque Musk, est une lueur précieuse dans l’Univers, et nous ne devons pas la laisser s’éteindre. Page considère qu’il s’agit là d’élucubrations sentimentales. Si la conscience pouvait être dupliquée par une machine, en quoi perdrait-elle de sa valeur ? Nous serions même éventuellement un jour en mesure de télécharger notre conscience dans une machine. Il accuse Musk de “spécisme”, désignant par là le fait d’être animé d’un préjugé en faveur de sa propre espèce. “Eh bien, oui, je suis pro-humain, lui répond celui-ci. Merde, quoi, j’aime l’humanité, mec.”3. Son plan pour sauver l’humanitéLa biographie d’Elon Musk offre une plongée détaillée dans ses méthodes de travail et la manière dont il organise son projet messianique de sauvetage de l’humanité. “Aller sur Mars coûtera très cher. Aussi Musk a-t-il combiné ensemble, comme il le fait souvent, un projet de mission exaltant et un projet commercial très concret”, écrit Isaacson. Tourisme spatial et lancement de satellites pour les pays et les entreprises doivent financer ce dessein bien plus ambitieux de rendre l’humanité mulitplanétaire. En 2014, décrit l’auteur, Musk identifie un nouveau débouché. “Internet rapporte 1 000 milliards de dollars par an, […] Si nous réussissons à occuper 3 % du marché, ça fait 30 milliards, ce qui est plus que le budget de la NASA. Voilà ce qui a inspiré Starlink, pour financer le voyage vers Mars. [Elon Musk] marque une pause, puis souligne : La perspective du voyage vers Mars sous-tend chaque décision prise par SpaceX.”Le livre détaille également les cinq règles d’or de l’entrepreneur. D’abord, “remettez en cause toutes les conditions requises”, puis “éliminez toutes les parties éliminables du processus technique”. “Simplifiez et optimisez” celles qui restent puis “raccourcissez les cycles”. Dernière étape : l’automatisation. Le tout avec de savoureux exemples, comme ce jour où Musk constate que les réglages standards de certaines machines de l’usine Tesla de Fremont (Californie) brident leur vitesse et imposent certaines manœuvres inutiles. “”Les réglages usine sont toujours débiles”, commente [Elon Musk]. Il réécrit rapidement le code pour supprimer la double rotation arrière, puis règle la vitesse à 100 % de la capacité de la machine. La machine commence à endommager le filetage, il la ralentit donc à 70 %. Elle fonctionne alors correctement en réduisant de plus de moitié le temps nécessaire pour boulonner la carrosserie sur les chariots de transfert.”4. Musk, Twitter et la ChineElon Musk en a fait son cheval de bataille. Le rachat de Twitter serait, selon ses dires, motivé par un désir farouche de fournir un forum de qualité au monde entier. Un lieu nettoyé de faux profils menteurs, un “business de la vérité”. Il se trouve cependant dans une position plus délicate que les patrons d’autres grands réseaux sociaux. La santé de Tesla dépend en effet étroitement de la Chine : elle y produit la moitié de ses voitures et y réalise une belle part de son chiffre d’affaires. Or, le pays est régulièrement accusé d’orchestrer des opérations de désinformation. Comment Elon Musk gérera-t-il cette situation complexe ? Dans son livre, Walter Isaacson, révèle que ce sujet sensible a été mis sur le tapis par Bari Weiss, journaliste indépendante qu’Elon Musk a contactée fin 2022 pour qu’elle enquête, avec Matt Taibbi, sur les fichiers internes de Twitter et les choix opérés par l’équipe de direction précédente.”À un moment, pendant ces deux heures de conversation, elle lui demande quelle influence les intérêts commerciaux de Tesla en Chine sont susceptibles d’avoir sur sa façon de diriger Twitter, dévoile Walter Isaacson. Musk a l’air agacé. La discussion n’est pas censée porter là-dessus. Weiss tient bon. Musk finit par répondre que le réseau social doit effectivement faire preuve de prudence avec les propos qu’il tient sur la Chine, car les affaires de Tesla peuvent être menacées. Il y a deux façons de regarder, précise-t-il, le problème de la répression chinoise des Ouïghours. Weiss est troublée.”5. Starlink dans le grand bain géopolitiqueC’est le passage le plus commenté du livre. Dans le chapitre “Ukraine”, Walter Isaacson indique qu’Elon Musk aurait donné “secrètement instructions à ses ingénieurs de couper la couverture satellite” de Starlink “à moins de cent kilomètres des côtes criméennes” afin d’empêcher les drones sous-marins ukrainiens de cibler la flotte russe. “Autoriser l’emploi de Starlink dans le cadre de cette attaque, a conclu [Elon Musk], risque de finir en désastre pour le monde […] Je pense que si les attaques ukrainiennes avaient réussi à couler la flotte russe, cela aurait été l’équivalent d’un mini-Pearl Harbor et aurait conduit à une escalade majeure, explique [Musk]. Nous ne voulons pas être mêlés à cela.” Une information qui a déclenché des réactions très vives, et le démenti immédiat du principal concerné. Walter Isaacson est revenu sur ses propos, dès le 9 septembre.”Suite à plusieurs conversations avec Musk, je pensais à tort que le cadre interdisant à Starlink d’être utilisé pour mener des attaques en Crimée avait été décidé la nuit où l’Ukraine a tenté de mener cette attaque surprise. [Elon Musk] indique désormais que cette politique était déjà en place mais que les Ukrainiens n’en avaient pas connaissance et que cette nuit, il s’est contenté de réaffirmer cette politique déjà en place.” Autrement dit, il n’y aurait pas eu d’action pour empêcher l’Ukraine de déclencher son attaque, mais un refus de modifier le cadre existant pour la rendre possible. “Si j’avais accepté leur requête, SpaceX aurait été manifestement complice d’un acte de guerre majeur et d’une escalade du conflit”, a tweeté l’entrepreneur le 8 septembre.Ce qui est sûr, c’est que la guerre en Ukraine a montré sans fard l’autre visage de ces constellations de satellites. Starlink “a été conçu pour que des gens puissent regarder Netflix, se détendre, suivre des cours en ligne et se livrer à toutes sortes d’activités positives et pacifiques”, déclare Elon Musk dans une conversation téléphonique avec Walter Isaacson rapportée dans le livre. Sans doute, mais depuis, cette technologie a montré le rôle majeur qu’elle jouera probablement dans de futurs conflits.Les réseaux télécoms sont souvent les premières infrastructures visées en temps de guerre. Les Etats en capacité de dépêcher à volonté un réseau de secours sur la zone de leur choix possèdent donc un atout majeur. Ce filet de sécurité permet aux populations de rester informées, voire de poursuivre des activités économiques nécessaires à l’achat de matériel militaire. Ces minisatellites ont du reste des caractéristiques intéressantes pour les armées, car ils sont plus complexes à brouiller ou à couper. Grâce à leur orbite basse, ils permettent également aux militaires d’échanger des informations en plus grand nombre et plus vite. A la suite de la guerre en Ukraine, le monde a donc découvert qu’Elon Musk détenait “un actif militaire essentiel avec Starlink”, expliquait à L’Express en octobre dernier Julien Nocetti, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Des responsables américains ont d’ailleurs appelé à réétudier le cadre autour de Starlink, afin d’assurer le contrôle adéquat de la politique étrangère des Etats-Unis.
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Author : Anne Cagan
Publish date : 2023-09-17 06:30:00
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Ukraine, IA, méthodes de travail… Les cinq infos à retenir du livre sur Elon Musk
