Le 14 septembre dernier, Thomas Brail, natif du Tarn, élit domicile au 246 boulevard Saint-Germain à Paris, juste en face du siège du ministère de la Transition écologique. Assis sur son harnais, c’est au cœur du feuillage d’un platane que le militant écologiste poursuit une grève de la faim entamée le 31 août pour dénoncer la construction de l’autoroute A69 qui doit relier Toulouse à Castres.Mais alors qu’il finit par obtenir un entretien au ministère des Transports le 19 septembre, Clément Beaune lui assène une fin de non-recevoir. Une position qui, une semaine plus tard, ne semble pas avoir bougé d’un centimètre. “Quand il y a des décisions qui sont prises, on les applique”, et “ça vaut pour l’A69”, qui “a fait l’objet de très nombreuses décisions politiques et judiciaires”, s’est défendu Clément Beaune au micro de France Inter ce mardi 26 septembre.Maintien de la construction de l’A69Pourtant, depuis sa genèse, l’A69 dont les travaux ont démarré en mars dernier, ne cesse de susciter l’ire des oppositions, et concentre la colère d’acteurs de la société civile issus de tout rang. Alors que la cheffe de file des Insoumis à l’Assemblée nationale Mathilde Panot dénonce un projet “écocidaire”, l’eurodéputée écologiste Karima Delli fustige une “aberration écologique, économique et démocratique”. De nombreuses personnalités publiques, parmi lesquelles l’actrice Mélanie Laurent, le réalisateur et écrivain Cyril Dion ou encore le mathématicien Cédric Villani, ont également témoigné leur soutien à Thomas Brail qui a été délogé ce dimanche du platane par une équipe de pompiers. Mais hier encore, 300 personnes se sont réunies devant le ministère de la Transition écologique réclamant une fois de plus l’abandon des travaux sur cette portion de 53 kilomètres de l’autoroute A69.Bien que l’A69 “soit le plus avancé” des chantiers autoroutiers en cours, la posture du ministre paraît d’autant plus surprenante qu’elle se superpose à son annonce d’arrêter “plusieurs projets”. Toujours à l’heure lorsqu’il s’agit de tweeter, la députée Sandrine Rousseau a notamment réagi ce mardi matin sur X (anciennement Twitter) aux déclarations du ministre : “Clément Beaune confirme l’A69. Ci-gît la volonté de planification écologique”, en référence à la présentation des grands axes de la planification écologique d’Emmanuel Macron la veille.Mais pour le ministre, qui se targue d’être aux commandes d’une politique “cohérente”, l’un ne semble pas empêcher l’autre. Au printemps dernier, alors que plusieurs opérations coup de poing avaient été organisées, Clément Beaune s’était engagé à “réduire les impacts environnementaux” des constructions autoroutières. Des déclarations qui s’inscrivent selon lui, dans le sillage de “décisions courageuses d’arrêt”. Reste que l’intéressé n’a pour l’heure donné aucune précision sur les projets qu’il s’apprête à enterrer.Des projets controversés partout dans l’HexagoneIl faut dire que l’A69 est loin d’être la seule construction autoroutière à cristalliser les tensions en raison de son empreinte sur l’environnement et la biodiversité. D’où cette impression d’un gouvernement qui marche sur des œufs. Si quatre projets sont encore sur les rails – l’A69 reliant Toulouse-Castres, le contournement de Rouen (A133 et A134), l’A154 pour achever l’axe transversal Rouen-Orléans, et l’A412 assurant une courte liaison entre Machilly et Thonon-les-Bains en Haute-Savoie – aucun ne parvient à faire consensus.À Rouen, les différentes parties se sont récemment livrées à une bataille des chiffres. Alors qu’une mobilisation d’élus favorables à la construction du contournement Est de la ville a réuni 1 000 personnes en septembre, le Collectif Non à l’A133-A134 se vante d’avoir récolté plus de 3 000 signatures. Opposé depuis 2020 au projet, le maire socialiste Nicolas Mayer Rossignol met notamment en avant les résultats d’un sondage commandé à l’Ifop, qui révèle que 56 % des habitants de la métropole sont opposés au projet. “Les habitants ont compris que cette histoire était une arnaque parce qu’il avait un péage” expliquait l’ancien candidat à la tête du Parti socialiste à nos confrères de Paris-Normandie début septembre. Et d’abonder : “La grande majorité des gens sont hostiles au projet de contournement Est. J’ai défendu ce projet en 2013, 2014. J’ai changé d’avis [en 2020] parce que sincèrement je pense que ça fait partie de ces projets, quand on regarde la balance entre les avantages, les inconvénients et le coût, et notamment le fait qu’il y a un péage, qui ne sont franchement plus une priorité. Notre priorité c’est le train”.Même son de cloche chez plusieurs parlementaires qui ont eu à voter en juin dernier un texte visant à accélérer la réalisation du tronçon autoroutier de 16,5 kilomètres entre Machilly et Thonon-les-Bains. L’écologiste, Julie Laernoes, avait fustigé un projet “criminel” pour le climat avec des “ravages” pour des “zones humides” et des “espèces protégées”. Et bien que le projet de loi a été validé à 149 voix contre 50, le député de Savoie Jean-François Coulomme a annoncé qu’il comptait saisir le Conseil constitutionnel pour contester le texte.Et l’opposition au tronçon autoroutier ne se cantonne pas aux élus. De nombreux acteurs de la société civile ont également pris position contre ce qu’ils dénoncent “comme un projet d’un autre temps”. Au premier rang desquels, les syndicats d’agriculteurs. Ulcérée par la validation du texte, la Confédération paysanne fustige un projet “destructeur d’espaces agricoles et naturels, du climat, et qui plus est, incapable de répondre aux problématiques de transport censées le justifier”. Et alors que le marché du foncier agricole en Haute-Savoie patine depuis plusieurs années, la confédération syndicale avait déjà tenté de tirer la sonnette d’alarme dans un communiqué publié en juillet 2018 : “Les surfaces agricoles cultivées par 30 fermes seront touchées par le projet pour une cinquantaine d’hectares directement perdus”.Des abandons depuis une quinzaine d’annéesSi en annonçant l’arrêt de la construction d’autoroutes, Clément Beaune se félicite d’une grande première en France, plusieurs projets sont pourtant déjà passés à la trappe au cours des quinze dernières années. Parmi lesquelles, l’A24 entre Amiens et Lille, le prolongement de l’A48 à l’est de Lyon, ou encore l’A51 dans les Alpes ou l’A831 en Charente-Maritime. Une conséquence directe du Grenelle de l’environnement (2007-2009) qui aurait, dit-on, “changer la donne”.Fin 2022, six mois après son entrée en fonction, Clément Beaune a lui même déjà annoncé un moratoire sur l’élargissement de l’A46 au sud de Lyon, encore à l’état de projet. Longtemps réclamée par les acteurs économiques de la région, l’initiative consistait à construire une troisième voie de circulation sur une portion de 16,5 kilomètres entre les aires de service de Communay et le diffuseur de Saint-Priest Centre. Un projet mort-né qui, comme d’autres, avait rapidement fait l’unanimité contre lui, fédérant l’ensemble des élus des communes concernées par l’extension. C’est bien connu, faute de s’unir pour quelqu’un, il faut bien se rassembler contre quelque chose.
Source link : https://www.lexpress.fr/societe/ces-projets-dautoroutes-qui-cristallisent-les-oppositions-KGHUCGKCTVB4RGUD6XIMYTNN3Q/
Author :
Publish date : 2023-09-26 17:15:15
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.
Ces projets d’autoroutes qui cristallisent les oppositions
