Un jour, peut-être, les dieux du football laisseront Lionel Messi prendre sa retraite. En attendant, le génie argentin a déjà trouvé sa reconversion : il a été recruté l’année dernière par l’Arabie saoudite comme “ambassadeur tourisme”. Son “travail”, pour plusieurs dizaines de millions d’euros annuels ? Partir en vacances dans les plus beaux endroits du royaume wahhabite, puis diffuser quelques photos à ses 476 millions de fans sur Instagram.Lionel Messi est loin d’être le seul influenceur dans l’orbite du Moyen-Orient. Dubaï, par exemple, a pour spécialité d’héberger les stars des réseaux sociaux, notamment françaises, grâce à un taux d’impôt sur le revenu de 0 %. Soleil, glamour et yachts : de quoi faire rêver le monde entier, surtout les plus jeunes.Les influenceurs attirent d’autres pays de la région, à la recherche d’une nouvelle image. Dictature de Saddam Hussein, invasion américaine, terrorisme…, l’Irak a traversé des décennies noires, mais, signe d’une éclaircie, il vient de créer un visa pour les touristes et accueille ses premiers voyageurs. “Notre gouvernement n’a pas un seul dollar à dépenser pour faire venir Lionel Messi, alors on ne peut compter que sur les youtubeurs pour faire découvrir le véritable visage de l’Irak”, rigole Othman Anees, fondateur de l’agence Visit Mosul.”Ils ont vu des photos sur Instagram”Avec l’ouverture du pays, le jeune homme voit débarquer des centaines de touristes dans sa ville de Mossoul, occupée par Daech de 2014 à 2017. Les voyageurs se bousculent désormais pour visiter la vieille ville, qui fut le dernier bastion du groupe terroriste, mais aussi la grande mosquée Al-Nuri (du XIIe siècle) ou la forteresse Bash Tapia. “Tous ceux qui viennent le font parce qu’ils ont vu une vidéo sur YouTube ou des photos sur Instagram, raconte Othman. Certains youtubeurs sont très populaires, avec des centaines de milliers de fans, et ils partagent leur découverte de l’Irak, la sécurité rétablie, l’hospitalité et la nourriture extraordinaire… Ils font décoller le tourisme.”Toutefois, ces influenceurs ne suffiront pas à transformer l’Irak en destination de premier plan. Exsangue, l’Etat rechigne à investir. “Les voyageurs me racontent tous que l’Irak fait partie des dix plus beaux pays qu’ils ont visités, pose Othman. Mais il n’existe aucun moyen de transport public entre les villes (il faut prendre le taxi) et peu d’hôtels. Nos infrastructures sont aussi pauvres que notre culture et notre histoire sont riches…”En Syrie voisine, le régime compte, lui, énormément sur le tourisme. Malgré la guerre civile, qui a fait près de 500 000 morts depuis 2011, le gouvernement de Bachar el-Assad facilite la venue des influenceurs occidentaux, qui se proclament “apolitiques” et diffusent une image de la Syrie “comme les médias traditionnels ne la montrent jamais”. Des porte-parole bien utiles pour Damas. “Grâce à ces vidéos, le régime n’est plus le seul à dire que la Syrie est un pays sûr, avec une situation politique stable, nous explique un ancien guide touristique syrien exilé en France. Sur le terrain, tous ces influenceurs sont accompagnés et “guidés” par la police secrète.”Dans une vidéo vue plus de deux millions de fois, le youtubeur américain Jacob Laukaitis raconte son voyage en Syrie, “une expérience déchirante”, et montre la reconstruction du pays, sans mentionner les territoires encore tenus par les opposants. Dans une zone rurale, des soldats arrêtent la voiture du jeune influenceur et embarquent son chauffeur de manière arbitraire, l’accusant de “complicité de terrorisme”. Un militaire le remplace au volant. Derrière le vernis de la carte postale, la vraie nature de la Syrie actuelle réapparaît. Pour quelques secondes de vidéo.
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Author : Corentin Pennarguear
Publish date : 2023-10-02 03:44:36
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“Ils font décoller le tourisme” : l’Irak et la Syrie, nouveaux terrains de jeu des influenceurs voyage
