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Salut fasciste : l’Italie ne parvient toujours pas à solder son passé

Image d'illustration.




“La loi ne s’applique pas, elle s’interprète”. Jamais cette définition du rapport des Italiens à l’ordre public n’aura eu autant d’écho. Celui des voix d’un millier de militants d’extrême droite hurlant “présents” en brandissant le bras droit dans un salut fasciste a retenti dans le monde entier. Une vidéo choc a fait le tour des médias internationaux. Le 7 janvier dernier avait lieu, comme chaque année, la commémoration à Rome de l’assassinat pendant les années de plomb (1970) de deux membres des jeunesses du Mouvement social italien (MSI), héritier direct du parti mussolinien, dans lequel Giorgia Meloni a fait ses débuts en politique avant de fonder Fratelli d’Italia, dont le logo reprend la flamme – étendard du MSI évoquant le tombeau du Duce.”Sommes-nous en 2024 ou en 1924 ?, s’interrogeait la secrétaire du parti démocrate italien, Elly Schlein. Ce qui s’est passé n’est pas acceptable. Les organisations néofascistes doivent être dissoutes, comme le dit la Constitution. Les auteurs de ces gestes doivent être poursuivis en justice. L’apologie du régime de Mussolini est un danger pour la démocratie et doit être interdite.” Elle l’est déjà, grâce à tout un arsenal juridique. L’article XII des dispositions transitoires de la Constitution italienne de 1948 interdit la “réorganisation, sous quelque forme que ce soit, du parti fasciste dissous”. En 1952, l’article 5 de la loi dite “Scelba” fait de l’apologie du fascisme un délit passible d’une peine d’emprisonnement. En 1993, la loi dite “Mancino” sanctionne les actes de discrimination ou de violences à caractère racial. Dans les faits, elles sont très rarement appliquées et risque de l’être encore moins à l’avenir.Ambiguïté juridiqueCar si les tribunaux n’ont que l’embarras du choix pour poursuivre les nostalgiques des chemises noires, les sanctions ne dépendent pas de l’application des textes en vigueur, mais de l’appréciation des faits incriminés. Une ambiguïté confirmée par la Cour suprême de Cassation, qui s’est prononcée ce jeudi 18 janvier sur la vidéo du 7 janvier. Certes, la plus haute juridiction pénale du pays confirme que l’apologie du fascisme est un délit et que les rituels de la commémoration qui a suscité autant d’émoi sont “évocateurs de la gestuelle propre au parti fasciste dissous”. A ce titre, ils tombent sous le coup de la loi. Cependant, les juges suprêmes considèrent que le délit d’apologie du fascisme “n’est pas manifeste dans le cadre d’une commémoration s’il n’est pas prouvé que les personnes qui l’exécutent ont pour dessein de ressusciter le parti fasciste. Il convient, pour sanctionner, de prendre en compte le danger concret de réorganisation du parti fasciste dissous.”Un danger qui s’avère pratiquement impossible à vérifier. Les groupes et groupuscules d’extrême droite exultent à l’annonce de cette sentence. “En Italie, on ne punit pas les opinions”, s’est réjoui Domenico Di Tullio, l’avocat des militants poursuivis pour avoir fait des saluts romains, qui avait porté le recours devant la Cour de Cassation. “Ce salut relève de la liberté d’expression individuelle, pas de l’apologie d’une dictature.” Georgia Meloni a gardé le silence. L’opposition, quant à elle, crie à une “décision ambiguë qui conforte le sentiment d’impunité dont jouissent déjà ceux qui pratiquent le salut romain. C’est un geste politique qui évoque un régime dictatorial et des actes de violence.”Manque de clarté volontaireL’historien Francesco Filippi n’est pas étonné par cette polémique. “La décision de la Cour de Cassation ne résout rien, c’est une décision à l’italienne, déplore l’auteur du livre au titre provocateur “Y a-t-il de bons dictateurs ? Mussolini une amnésie historique” (Vuibert, 2020). Si, dit-il, notre Constitution interdit bien le fascisme et des lois sanctionnent son apologie, il n’y a aucune définition précise de ce que cela recouvre. “Depuis la fin de la guerre, les décisions contradictoires se succèdent sur fond d’instrumentalisation politicienne des partis de droite comme de gauche. Ce manque de clarté est volontaire, car il est issu de la mauvaise conscience et de la mauvaise mémoire historique des Italiens, un peuple qui a connu 20 ans de dictature. Le débat est souvent historique sur cette question. Le fascisme est mort en 1945, mais des dizaines de milliers de personnes s’en réclament encore aujourd’hui. Le débat intellectuel ne le prend pas assez en considération. Ce n’est pas juste une question historique, mais un sujet d’actualité.”

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Publish date : 2024-01-19 17:56:55

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