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“Le Tableau volé” décortique avec malice le monde du commerce d’art

“Le Tableau volé” décortique avec malice le monde du commerce d’art



André Masson (comme le peintre) est commissaire-priseur dans la célèbre maison de ventes Scottie’s. Être cynique, direct, sans grand tact et l’assumant (joué avec talent par Alex Lutz), il a une stagiaire, Aurore (Louise Chevillotte, hilarante), qu’il rudoie volontiers. À vrai dire, elle n’est pas très franche du collier puisqu’elle ment tout le temps, à tout le monde (y compris à son père, le génial Alain Chamfort, “jeune” acteur découvert dans Don Juan de Serge Bozon) et à tout propos.
Ce duo improbable, destiné à ne pas durer, reçoit un jour la lettre d’une jeune avocate (Nora Hamzawi) qui pense avoir retrouvé une toile d’Egon Schiele à Mulhouse, chez les Keller – un jeune ouvrier, Paco (Matthieu Lucci, vu dans La Fille d’Albino Rodrigue de Christine Dory), qui vit seul avec sa mère (Laurence Côte, grande actrice rivettienne). Aurore et André s’y rendent, en compagnie d’une autre experte, l’ex-épouse d’André, Bertina (Léa Drucker, toujours épatante), sans grande illusion sur ce qu’il et elles vont trouver.
À leur grande surprise, non seulement le tableau est vrai, mais il est célèbre pour avoir été spolié à une famille juive par les nazis en 1939. On avait perdu sa trace. Il vaut une fortune. Les Keller ne demandent rien. Les Wahlberg, héritier·ères américain·es des propriétaires du Schiele, veulent le vendre. Masson jubile, parce qu’il est convaincu qu’il va être choisi pour organiser la vente aux enchères. Seulement, dans l’ombre, l’avocat des Wahlberg complote contre lui. On craint aussi à un moment que des copains de Paco subtilisent le Schiele… Les trois femmes, les trois “fées” de Masson, en secret (également des spectateur·rices, qui comprendront a posteriori ce qui s’est passé – c’est l’un des plaisirs que procure le film), vont se lier et s’allier pour tenter d’arranger les choses.
Le titre rappelle L’Hypothèse du tableau volé de Raoul Ruiz, dont Pascal Bonitzer avait été à plusieurs reprises le scénariste. Le monde de la vente d’objets d’art est décrit avec une mine d’informations fort précises et tout à fait passionnantes, et chaque personnage porte sa part de romanesque, de secret, de folie. Le récit est huilé, réglé et précis comme une horloge suisse, ménageant d’étonnantes surprises, une circulation de désirs à laquelle on ne s’attendait pas forcément. Et puis la fin, surtout, est extrêmement émouvante, chose assez rare dans le cinéma de Bonitzer, notamment la scène où toute la famille Wahlberg applaudit et remercie chaleureusement le jeune Paco.
Cette histoire (le Schiele spolié, les retrouvailles dans une modeste maison de Mulhouse, etc.) est fidèlement inspirée de faits réels, advenus en 2000. Pour une fois, c’est non seulement une joie d’apprendre que de tels événements arrivent, mais aussi que le réel peut accoucher d’un très bon film.
Le Tableau volé de Pascal Bonitzer, avec Alex Lutz, Léa Drucker, Nora Hamzawi, Louise Chevillotte (Fr., 2024, 1 h 31). En salle le 1er mai.

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Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/le-tableau-vole-decortique-avec-malice-le-monde-du-commerce-dart-616172-28-04-2024/

Author : Jean-Baptiste Morain

Publish date : 2024-04-28 07:00:00

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Tags : Les Inrocks