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“Balatro”, “Children of the Sun”… Quand les jeux vidéo sont créés en solo

Balatro



Des paires et des suites, des couleurs et des brelans, des jokers de folie et des bonus/malus à en cauchemarder la nuit. Succès surprise de 2024 qui pourrait bien être au vrai poker ce que Mario Kart est aux simulations automobiles “sérieuses”, le très réfléchi et entêtant Balatro se distingue aussi par la taille de son équipe de développement : une seule personne, un Canadien connu sous le pseudonyme de LocalThunk. Une anomalie dans une industrie qui voit enfler les effectifs comme les budgets, mais un cas pas si unique sur la scène indépendante dans le sillage d’Eric Barone (Stardew Valley) ou Toby Fox (Undertale).
Mais qu’est-ce qui distingue, au fond, le jeu d’un·e créateur·rice seul·e de celui d’une large équipe ? Parfois une certaine prééminence du concept, une forme de méticulosité et une tendance à creuser son idée, là où d’autres voudraient à toute force étendre et diversifier l’expérience. Creuser, c’est d’ailleurs littéralement ce que nous demande de faire Pepper Grinder, de l’Américain Riv Hester, dont l’héroïne traverse des niveaux riches en pièges grâce à la foreuse dont elle est équipée. Enthousiasmante la quasi-totalité du temps, cette relecture rythmée et inventive du jeu de plateforme ne souffre que d’un vrai défaut : la difficulté frustrante de son boss de fin, à propos duquel son auteur aurait peut-être eu besoin d’un deuxième avis.
Lorsque les moyens manquent pour faire exister des univers entiers, la solution est souvent dans l’évocation. C’est le cas pour l’impressionnant Children of the Sun, du Berlinois René Rother, polar négligemment tarantinien qui fait du trajet de la balle sa grande affaire. Jeu de puzzle et de stratégie déguisé en shooter tendu, Children of the Sun nous invite à dessiner finement nos trajectoires pour abattre les cibles désignées de la manière la plus efficace et élégante possible.
L’essentiel, ici, est dans la tête – la nôtre, connectée en ligne directe à celle de l’auteur. Également installé à Berlin, Friedemann ne fait pas autre chose avec le pacifique SummerHouse, qui nous fait bâtir de vibrants paysages estivaux en assemblant des blocs façon Lego selon une vision du jeu vidéo comme machine à partager des impressions.
Mais s’il y a une chose à laquelle se prête à merveille la création individuelle, c’est bien le récit intime. Celui du stupéfiant Player Non Player de Jonathan Coryn, à la bande originale signée Agar Agar, repose sur une structure presque banale : un monde ouvert où l’on tombe du ciel comme dans Fortnite, des énigmes à résoudre et des missions confiées par les personnages rencontrés.
Sauf que ces dernières sont assez particulières : celui-ci nous demande de le tuer, celle-là veut un miroir dans lequel s’aimer… Jeu merveilleusement queer aux allures de rêve alternativement flottant et acéré, Player Non Player nous parle du deuil, du temps qui passe, de la mer qui calme et des secrets de la forêt. “Cette île est un endroit parfait pour reposer en paix.” Appuyez sur la gâchette droite pour caresser. Les jeux créés tout·e seul·e sont souvent les plus habités.
Balatro (LocalThunk/Playstack), sur Switch, PS4/PS5, Xbox, Mac et PC, 14 €. Pepper Grinder (Ahr Ech/Devolver Digital), sur Switch, Mac et PC, 15 €. Children of the Sun (René Rother/Devolver Digital), sur PC, 15 €. SummerHouse (Friedemann/Future Friends Games), sur Mac et PC, 5 €. Player Non Player (Corjn), sur Mac et PC, 10 €.



Source link : https://www.lesinrocks.com/jeux-video/balatro-children-of-the-sun-quand-les-jeux-video-sont-crees-en-solo-618774-09-06-2024/

Author : Erwan Higuinen

Publish date : 2024-06-09 10:00:00

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Tags :Les Inrocks

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