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“C’est pas moi” : Leos Carax nous guide dans l’antichambre de son cinéma

“C’est pas moi” : Leos Carax nous guide dans l’antichambre de son cinéma



Il y a une disproportion étonnante dans le travail de Leos Carax. Elle tient dans le rapport entre l’œuvre (réduite à seulement six longs métrages en quarante ans) et la part (croissante) de celle-ci qui se prend elle-même pour objet. Déjà, Holy Motors (2012) était une revisitation de l’œuvre jusque-là accomplie, reprenant ici un personnage (M. Merde), là une scène (la course de Mauvais Sang, 1986) ou un décor (la Samaritaine).
C’est pas moi est un autoportrait en cinéaste et cinéphile rassemblant en un même maelström visuel et sonore les images qui ont construit Carax et celles qu’il a engendrées. Le projet est issu d’une commande (du Centre Pompidou pour une expo annulée), mais il s’inscrit plus largement dans un mouvement de l’œuvre allant vers la réflexivité.
Échapper à la pesanteur
Après avoir longtemps été violemment hanté par les images des autres (Boy Meets Girl, 1984, et Mauvais Sang, quintessence d’une certaine poésie maniériste eighties), c’est de plus en plus par ses propres images que Carax semble habité.
C’est pas moi, comme un titre capiteux à la Magritte – genre ceci ressemble à un autoportrait, mais ne l’est pas. Il s’entend aussi comme un déni de culpabilité – “C’est pas moi !”, clame l’innocent·e ou qui prétend l’être face à une accusation. Dans ce film peuplé de fantômes (Guillaume Depardieu, Katerina Golubeva, David Bowie), la culpabilité est l’un des ressorts.
Culpabilité d’un siècle (le spectre du nazisme, comme grande affaire du cinéma). Culpabilité de certains hommes (Roman Polanski, érigé en symbole d’homme d’un siècle passé, dans une séquence close par une blague bilingue malaisante sur MeToo). De ces coq-à-l’âne post-godardiens entre l’histoire, les images et l’intime surgit une enfant-marionnette. Annette. Encore.
Elle ne chante plus, elle danse. Elle court vers l’avant. Mais en reproduisant une choré d’hier (Modern Love, encore). Elle essaie sans doute d’échapper à la pesanteur, comme tout·e héros·oïne de Carax. “And I try/I try.” Mais désormais, les forces galbées de noir qui régissent ses mouvements affleurent à l’image comme une bête menaçante et tapie. Elle n’ira pas loin.
C’est pas moi de Leos Carax, avec Denis Lavant, Ekaterina Yuspina, Loreta Juodkaite (Fr., 2024, 40 min). En salle le 12 juin.



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/cest-pas-moi-leos-carax-nous-guide-dans-lantichambre-de-son-cinema-619516-10-06-2024/

Author : Jean-Marc Lalanne

Publish date : 2024-06-10 06:00:00

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Tags :Les Inrocks

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