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Financement du CNM : vers la fin du projet de taxe streaming ?

Financement du CNM : vers la fin du projet de taxe streaming ?



C’est une bataille qui n’en finit plus et qui pourrait bien s’enliser. Le débat sur la taxe streaming divise le secteur de la musique depuis un an et demi, opposant, schématiquement, les producteurs indépendants d’un côté et les majors associées aux plateformes de streaming de l’autre. Cet amendement au projet de loi de finances, déposé le 30 septembre 2022 par quatre députés de la Nupes, proposait de taxer les chiffres d’affaires de Spotify, Apple Music, Deezer et consorts à hauteur de 1,5 % afin de financer le Centre national de la musique (CNM), crée en janvier 2020, trois mois avant la crise du Covid, pour financer des aides à la création favorisant la diversité musicale française. Vent debout, arguant que les plateformes n’ont pas encore atteint l’équilibre financier, celles-ci, le Syndicat national de l’édition phonographiques (Snep) et la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), représentant principalement les majors, sont montées au créneau, avançant d’autres pistes de financement possibles. Après les nombreux débats et un nouvel amendement déposé par des députés le 13 octobre dernier dans le cadre du projet de loi de finances 2024, la balance penchait sérieusement en faveur de sa mise en place, modulée et progressive. Mais coup de théâtre : le gouvernement vient de brandir le 49.3 pour faire passer le projet de loi, dans lequel l’amendement ne figure plus. Voici donc la taxe en suspens, voire menacée.

Une piste pas si nouvelle

Selon plusieurs sources, le gouvernement s’orienterait en sous-marin vers le principe d’une contribution volontaire des plateformes, sans rien avoir encore arrêté cependant. Ce mardi 24 octobre, devant la Commission de la culture du Sénat, la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak a donné des précisions sur l’avancée des négociations, expliquant que la contribution volontaire est une hypothèse “que les plateformes ont proposé d’elles-mêmes”. Elle détaillait : “Certaines plateformes ont fait des propositions chiffrées, écrites, d’autres orales qui sont en train d’être formalisées, d’autres pas encore. Nous avons décidé de se donner un peu plus de temps pour pousser cette négociation.” Forcément, du côté des indépendants et du Syndicat des musiques actuelles (SMA), l’inquiétude est grande. “Selon nos estimations, on passerait d’un montant de 20 millions générés grâce à la taxe streaming à 5 millions avec la contribution volontaire, évalue sa directrice Aurélie Hannedouche. Mais on ne sait toujours pas ce qui sera décidé. La ministre de la Culture nous a tous réunis en amont le 2 octobre, l’amendement a été déposé le 13, on était confiants. Mais depuis, plus rien.”

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Du côté du Snep, on ne crie pas victoire pour autant. Alexandre Lasch, son directeur général, souligne que tant que le gouvernement n’a pas pris sa décision, la taxe streaming pourrait tout à faire revenir dans la partie. Et que l’hypothèse d’une contribution volontaire n’est pas nouvelle. “Initialement, nous n’y étions pas favorables. Mais cette contribution a beaucoup d’avantages, y compris pour le CNM parce qu’elle aurait un impact immédiat sur son budget 2024, qu’il faut vite définir.” L’établissement ayant dû, dès sa création, répondre urgemment aux besoins du secteur confronté à la pandémie, son financement et ses missions n’ont pas été clairement arrêtés. Maintenant qu’il doit prendre la place qui lui était originellement promise, il y a urgence à les décider. “Une taxe, un scénario fiscal, devrait être notifié à Bruxelles, nécessiterait qu’un circuit de collecte soit mis en place, le tout avec la bonne volonté des acteurs concernés, avance Alexandre Lasch. Cela peut prendre du temps. Si l’objectif est de réarmer le CNM début 2024, aucun des scénarios fiscaux ne le permettra.”

TikTok dans le viseur

Il y a un an, cette idée de taxe se voyait opposer, de la part du Snep, de la SCPP et des plateformes, une autre idée de financement : l’élargissement de la TSV (Taxe sur les Services Vidéos), qui concerne les services vidéo comme YouTube et Dailymotion. Leur positionnement n’a d’ailleurs pas changé. “On trouverait plus malin de cibler des acteurs qui induisent des comportements et des usages massifs de la musique sans retourner de valeur suffisante à la chaîne de création.” Entre les lignes, c’est notamment TikTok qui est visé. Mais l’hypothèse semble peu réaliste. Si les majors et les plateformes marchent du même pas, c’est parce qu’elles semblent avoir mis au point un nouveau modèle économique dont elles sont les principaux acteurs commerciaux. Le secteur économique du rap, qui base ses stratégies sur le streaming, se range également de leur côté, certains allant même jusqu’à parler de “taxe anti-rap”.

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Autre date clé : le 20 avril 2023, le sénateur Renaissance Julien Bargeton rendait un rapport d’une centaine de pages “relatif à la stratégie de financement de la filière musicale en France”. Et à la fin, c’est la taxe streaming qui gagne. Il préconisait une taxe à 1,75 % des chiffres d’affaires des plateformes de streaming (contre 1,5 % proposés initialement) et d’abaisser une autre taxe, celle sur la billetterie, dont s’acquitte le spectacle vivant, la faisant passer de 3,5 % à 1,75 %, “par souci d’équité”. Là encore, le Snep et ses alliés contestaient fermement cette solution.

“Ça devient insupportable”

Le CNM, le SMA ainsi que l’Union des producteurs phonographiques français (UPFI) militent ardemment pour l’instauration de la taxe streaming, identifiée dans le rapport Bargeton comme “la solution de financement [du CNM] la plus robuste”. Alors qu’ils semblaient obtenir gain de cause, et alors que la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, sans l’annoncer explicitement, paraît être partisane de sa mise en place, la voici en stand-by. Que s’est-il donc passé depuis la réunion du 2 octobre dernier ? En coulisses, certains acteurs pointent une réunion interministérielle ayant mis en exergue des dissidences entre le ministère de la Culture et celui de l’Économie sur le sujet. La ligne globale de Bercy, et donc de Bruno Le Maire, est d’empêcher la mise en place de nouvelles taxes peu importe les secteurs. Aurait donc été privilégiée la contribution volontaire, qui n’est ni le scénario préféré des indépendants, ni celui des majors et plateformes. Mais qui penche tout de même sérieusement en faveur des seconds.

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Au SMA, Aurélie Hannedouche fulmine : “On ne sait pas grand-chose, il n’y a plus de deadline. Cette idée de contribution va peut-être être débattue au Sénat en même temps que le nouveau projet de loi de finances le 23 novembre, peut-être qu’ils ne vont pas trancher, que ça retournera à l’Assemblée, etc. Ça peut durer longtemps alors que le projet est débattu depuis 18 mois et a déjà fait l’objet d’un rapport parlementaire et d’une concertation ministérielle. Ça devient insupportable. En attendant, on a un budget 2024 à faire au CNM mais aucune base pour le définir. Est-ce qu’on doit compter sur 20 millions de taxe ou sur 5 millions de charité des plateformes ? On n’a aucun indicateur. On attend du Gouvernement qu’il tranche et surtout qu’il tienne ses engagements.” L’enlisement ne satisfait pas non plus l’autre camp. En off, une source émet l’idée que le ministère de la Culture est en train de ralentir la mise en place de la contribution volontaire afin de la saboter et de n’avoir plus que la taxe à imposer comme alternative crédible. Et de remporter son bras-de-fer avec Bercy. Sacré micmac.



Source link : https://www.lesinrocks.com/musique/financement-du-cnm-vers-la-fin-du-projet-de-taxe-streaming-598989-25-10-2023/

Author : Brice Miclet

Publish date : 2023-10-25 13:31:17

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Tags : Les Inrocks